Le Nu en Sculpture
Le nu en sculpture est l'éternité du corps.
Le nu est la représentation de la vie dans son origine, son essence pure, c’est l’image vraie sans les artifices, c’est l’expression de la force, de la virilité, de la beauté, de la féminité, de l’éternité du corps.
Une petite rétrospective du nu à travers les âges pour mieux apprécier l’évolution de sa représentation, du regard sur nous-mêmes, des croyances qu’il évoque. Â
Le paléolithique est l'âge de la pierre taillée. L'homo sapiens sapiens est apparu vers 100 000 ans av J.C. Il a des préoccupations religieuses, creuse des sépultures, orne les cavernes de peintures rupestres qui en font peut-être des sanctuaires, apporte à son campement des curiosités naturelles, grave des marques sur les roches ou sur les os, crée des œuvres originales en pierre On peut dire qu'il invente l'art.
Au paléolithique supérieur :
Les premières représentations humaines retrouvées par les paléontologues datent de 35 000 ou 30 000 ans, ce sont essentiellement des représentations de femmes nues, probablement un hommage à la féminité et la maternité, sculptées dans la pierre. Représentations de sexes surtout féminins, de statuettes de femmes nues aux formes exagérées et ce dans toute l'Europe et même en Sibérie. Si la tête est à peine esquissée, les seins, le ventre, les fesses sont très gros. Ces vénus sont généralement petites (une dizaine de cm), sculptées dans la pierre : citons par exemple :
La Venus de Laussel : sculptée en bas relief dans la roche, nue, aux seins et au ventre proéminents.
La Vénus de Willendorf obèse, aux formes très accentuées.
Certaines sont représentées dans la position de l'accouchement. On suppose que ces statues annoncent le culte de la fertilité du néolithique.
L'homo sapiens sapiens sculpte également le bois ou l'ivoire. Il se sert d'outils en silex ou en os.
La Dame de Brassempouy trouvée dans les Landes est une tête de 3,8 cm sculptée dans l'ivoire.
Le néolithique se caractérise par l'invention de la pierre polie et de la céramique. C'est aussi l'apparition de la culture, de l'élevage, des villages et de l'utilisation de matériaux trouvés dans le sol comme le marbre, les galets ….
La céramique, d'abord grossière s'affine par l'utilisation d'argile fine. Les premiers potiers ne disposent pas de tour. Leur principal souci est d'éviter la casse lors du séchage mais ils deviennent vite de vrais artistes.
Les premières œuvres d'art sont vraisemblablement inspirées par des pratiques religieuses, le culte des morts, et la maternité. De cette périodes on a retrouvé des vestiges parmi lesquels un homme poisson (vers 5000 av J.C. ) sur les bords du Danube, de nombreuses déesses-mères, quelques statuettes masculines comme celle en ivoire fortement sexuée découverte en Palestine ou la figurine d'un homme nu en terre cuite en Roumanie datant de 3000 ans qui rappelle curieusement le penseur de Rodin et qu'on nomme par ce fait le Penseur…..
La Mésopotamie, fin du IVème millénaire : organisation des cités, naissance de l'écriture.
Vers 5 000 av J.C. apparaît la déesse Inanna, déesse de l'Amour. Jusqu'alors, les représentations sexuelles symbolisaient le mystère de la naissance et de la reproduction. Inanna incarne le désir et l'amour. Les Dieux s'accouplent entre eux ou parfois avec les humains. L'amour est raconté dans l'épopée de Gilgamesh. On a retrouvé des plaquettes en terre cuite représentant en relief des scènes d'accouplement de corps nus.
L'Egypte : Les papyrus égyptiens font mention de scènes érotiques (papyrus de Turin XIIIème s av J.C.) Mais les Egyptiens sont surtout préoccupés par la mort et l'au-delà comme en témoignent les Pyramides. On retrouve en Egypte de nombreux bas-reliefs et des statues de demi-nus comme :
- celle d'Imhotep, architecte de la première pyramide
-Â le scribe accroupi (vers 2475 av J.C.)
- la statue de Bès, nu, protecteur des naissances
La Grèce : La statuaire grecque s'adresse essentiellement aux dieux. Elle est destinée aux sanctuaires et aux nécropoles. Eros est le Dieu de l'Amour. L'érotisme est présent en Grèce bien qu'il soit parfois caché derrière des allégories. Les Grecs vouent un véritable culte au corps humain dans sa puissance et sa beauté.
A cette époque, l'éducation des jeunes Spartiates est très rigoureuse et ponctuée de cérémonies pendant lesquelles ils se livrent, nus, à des concours et des combats.
Vers 600 av J.C. se déroulent tous les quatre ans à Olympie des jeux en l'honneur de Zeus. Les cités grecques oublient alors leurs rivalités et envoient à Olympie leurs meilleurs athlètes.
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Pendant une semaine, ces athlètes nus rivalisent d'adresse et de force sur la piste du stade longue de 192,27 m : courses, luttes, saut, disque, javelot. Les vainqueurs reçoivent une couronne d'olivier, les poètes chantent leurs exploits et les artistes sculptent leur corps pour l'éternité.
Les artistes archaïques grecs sculptent les corps dans le marbre. Tandis que la femme est sculptée habillée (korè), l'homme est nu (kouros). L'artiste s'applique à représenter exactement l'anatomie et la souplesse des corps musclés.
Des noms de sculpteurs restent célèbres comme PHIDIAS, POLYCLETE. Ce dernier renouvelle l'art de la sculpture en utilisant un matériau nouveau : le bronze, en veillant à respecter des proportions strictes (ex : la tête est le septième de la hauteur totale) et en donnant à ses personnages une décontraction qui les rend plus vivants.
PRAXITELE, vers 350 av J.C. préfère le marbre qu'il fait peindre en polychromie. Il représente surtout des adolescents et des déesses nues.
A Rhodes, CHARES élève un colosse de bronze représentant le dieu Hélios nu. Haute de 33 m, cette statue est l'une des sept merveilles du monde. Elle sera détruite par un séisme en 224.
Après le Vème siècle, les Grecs sculptent également des nus féminins ou des demi-nus. La Vénus de Milo, déesse de l'Amour en est un exemple célèbre. Elle associe la nudité du buste à la draperie des jambes. (Découverte en 1820)
Vers le IIème siècle av J.C. les sculpteurs s'attachent surtout à réaliser des bustes en marbre ou bronze pour les souverains ou les particuliers riches.
Rome : A l'origine, Rome n'est qu'un petit village influencé par l'art étrusque mais les statues de cette époque, souvent en terre cuite (sauf quelques-unes en bronze), ont presque toutes disparu.
Rome s'étend et peu à peu conquiert le sud de l'Italie sous influence grecque, la Grèce elle-même, puis tout le tour de la Méditerranée. L'art romain s'inspire de l'art grec et aura le mérite de le faire connaître. Le poète romain Horace affirme même que " la Grèce vaincue a conquis son farouche vainqueur."
S'inspirant de l'art grec, la sculpture romaine connaît un grand essor à partir du IIème siècle av J.C.. Cependant elle s'inspire beaucoup de la politique et représente de façon réaliste les mécènes, souverains, hommes politiques, grandes familles ayant le goût du luxe, si bien que les statues, hors celles des dieux, consistent surtout en portraits, bustes, ou personnages habillés. Citons quelques statues célèbres :
La louve du capitole en bronze avec les jumeaux nus Remus et Romulus (500 ans av J.C.)
Hermès en bronze, dieu nu IIème siècle av J C
Buste de Pompée en marbre …..
L'arrivée du Christianisme et de l'Islam va influer de façon importante sur l’art.
Le Christianisme réserve la sculpture à des œuvres d'inspiration religieuse pour les cathédrales et à des portraits de hauts personnages toujours vêtus. L'art du drapé qui cache les corps nus se développe et le nu intégral est officiellement proscrit.
L'Islam orne ses monuments de dessins géométriques et de calligraphies.
Le nu en sculpture comme en peinture est officiellement délaissé pendant un millénaire.
Cependant une recherche attentive permet de trouver dans les cathédrales quelques scènes érotiques cachées sous des chapiteaux ou au milieu de scènes complexes par ailleurs strictement conformes à la religion.
La Renaissance redécouvre l'art antique que le Moyen Age avait oublié. Les artistes recherchent l'expression de la beauté plastique sous tous ses aspects, religion, mythologie, corps humain et le NU réapparaît dans la sculpture.
La Renaissance commence en Italie, le quattrocento à Florence ainsi qu'à Venise, Padoue, Sienne et le cinquecento à Rome avec des sculpteurs célèbres comme GHIBERTI et ses statues de bronze, DONATELLO, VERROCHIO, MICHEL-ANGE qui aimait particulièrement le marbre blanc de Carrare et qui a réalisé de nombreux chefs d'œuvre comme Moïse, les Esclaves, David et bien d'autres.
La Renaissance se répand en partie grâce aux guerres d'Italie. En France avec GERMAIN PILON d'un réalisme puissant (Les trois Grâces, la Vierge de Pitié, le tombeau d'Henri II …), JEAN GOUJON (les Nymphes de la fontaine des Innocents …) Et partout en Europe.
Le Baroque au XVIIème siècle recherche les effets dramatiques, accentue le mouvement, veut éblouir les cours des rois et des grands seigneurs, et utilise principalement des marbres colorés et des bois polychromes
Aux XVIIIème et XIXème siècles le Néoclassicisme s'attache à la pureté des formes et s'inspire de l'antiquité : CANOVA en Italie, HOUDON en France.
Par réaction, le Romantisme privilégie la spontanéité, la fraîcheur, le mouvement. RUDE (la Marseillaise, Arc de Triomphe à Paris), DAVID D'ANGERS (l'Enfant à la grappe)
Peu à peu, l'art évolue vers une plus grande liberté d'expression. Le sculpteur n'hésite plus à montrer la vérité crue : la misère, les corps déformés par l'âge. C'est l'époque de RODIN (le Penseur, le Baiser, les Bourgeois de Calais, Porte de l'Enfer), de CAMILLE CLAUDEL (l'Age mûr) …….
XXème siècle : Le mouvement d'émancipation continue, les contraintes disparaissent. La liberté de pensée et d'expression entraîne l'existence de nombreuses écoles :
- cubisme aux formes carrées, massives, géométriques : PICASSO, ZADKINE, LIPCHITZ ……
- surréalisme ; MAX ERNST (le Minotaure)
- abstraction : avec ses formes épurées : BRANCUSI, CESAR ….
- dadaïsme : assemblages d'objets d'utilisation courante. DUCHAMP (le séchoir à bouteilles) …..
- sculpture figurative comme les statues de nus en bronze de GERMAINE RICHIER qui représentent des corps dans leur réalité parfois laide ou cruelle.
- sculpture abstraite : formes très variées, entassements, assemblages d'objets divers ( CESAR)
La sculpture moderne laisse libre cours à l'imagination et rejette toute règle, toute contrainte. Le sculpteur utilise tous les matériaux possibles : pierre, métal, bois, résine, fibre de verre, déchets industriels …..
Actuellement : L'essor du sport popularisé par les médias, réveille l'admiration pour la beauté d'un corps d'athlète et inspire les sculpteurs amoureux des corps bien faits, musclés, dans toute la beauté de la plastique.
En même temps, la vie moderne, avec le rejet des tabous ancestraux, privilégie la beauté du corps nu, l'harmonie des courbes, la sensualité, la douceur de l'étreinte amoureuse, l'érotisme et inspire les artistes.